Dressant fièrement ses trois tours, visibles de très loin, au-dessus d’une pittoresque concentration de toitures couvertes à l’ancienne, au cœur d’un village typique du Ried (zone humide entre Ill et Rhin) qu’irriguent de manière charmante plusieurs bras de l’Ill, l’abbatiale d’Ebersmunster est sans aucun doute le monument baroque le plus spectaculaire d’Alsace.

Peut-être même ne serait-il pas excessif d’affirmer qu’on a affaire ici au plus remarquable édifice de ce style sur le sol français.

L’art baroque n’est pas ce que la France aura cultivé avec le plus d’ardeur. Cela rend cette église d’autant plus intéressante et lui vaut, à juste titre, une flatteuse réputation. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce qu’elle attire un public de vrais curieux dans un secteur où, au rebours des contreforts viniques et « folkloriques » des Vosges, ne se bousculent pas des foules hébétées par une offre marchande trop souvent dévoyée...

Œuvre majeure de l’Autrichien Peter Thumb, l’abbatiale date pour l’essentiel du 18ème siècle. Le choeur de la fin du 17ème siècle a cependant été conservé. Il complétait à cette époque un vaisseau médiéval sur les caractéristiques duquel on ne sait presque rien. Thumb a commencé par remplacer la façade occidentale ancienne par un élégant dispositif à deux tours symétriques, reliées par un frontispice à balustrade au milieu duquel se remarque la statue en pied de Saint-Maurice, vêtu en légionnaire romain, le sanctuaire étant placé sous son invocation. Ce fronton surmonte un vestibule à trois arcades précédant l’entrée principale dont la porte en bois sculpté donne d’emblée une bonne idée de la préciosité décorative qui attend le visiteur une fois franchi le seuil.

A l’intérieur, c’est l’éblouissement. Triomphe de la légèreté, de l’espace, de la lumière. Illusion de la perspective longitudinale, allongée par la disposition resserrée des autels latéraux.
Et puis, lorsqu’on se retourne vers la tribune, c’est le choc : l’un des plus somptueux orgues baroques de France (Andreas Silbermann, 1732) laisse appréhender la grandeur de sa façade, la délicatesse de ses décors et, couvrant l’ensemble avec bonheur, une superbe scène peinte anime l’ultime travée d’une voûte en berceau magistralement épaulée par des contreforts intérieurs.

L’une des curiosités les plus extraordinaires en matière de sculpture sur bois apparaît à gauche lorsqu’on regarde vers le choeur. Un superbe Samson à l’épaisse et sinueuse chevelure enjambe un lion à crinière abondante : il paraît supporter le poids d’une belle chaire en bois marqueté. Qu’on ne s’y trompe pas : son geste est feint, il y a du vide entre ses mains et le bas de la chaire ! Au fond du choeur, un autel d’une grande majesté se signale par un formidable baldaquin en forme de couronne royale.

Les nombreuses peintures murales font de l’édifice l’un des plus luxuriants d’Alsace, sans pour autant donner dans les excès dont l’art baroque autrichien ou bavarois inflige quelques malheureux exemples!

Il s’agit ici d’un parti pris influencé par le « bon goût » français, l’Alsace se laissant séduire à cette époque (1710-1730) par la rationalité, la clarté, le raffinement de la culture française.
Le trompe-l’œil abonde dans cette immense église : fausses pierres de taille, faux autels de « marbre », illusions d’optique, effets théâtraux...
Ebersmunster est un édifice de la Contre-Réforme. On s’y sent à la fois tout petit et tellement concerné par cette grandeur, puisqu’elle paraît ouvrir vers des horizons mystiques palpables.

Un des plus éblouissants édifices baroques sur le sol français, heureux compromis entre les traditions architecturales allemandes et françaises où triomphent la lumière et l’exubérance. Vous avez besoin d’un guide qui maîtrise cette période ?
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