
Pierre Zanuttini et sa passion pour la collégiale de Thann
J’en étais amoureux, littéralement, au temps de ma jeunesse thannoise. Époque où il m’arrivait de me morfondre péniblement, dans l’étroitesse d’un bureau de la mairie. J’allais aux toilettes plus souvent que de raison, rien que pour la contempler, cette séculaire aimée, à travers les fenêtres qui éclairaient le trajet de mes soulagements abusifs, car j’osais alors lui supposer du sentiment à mon égard ! Las, elle n’avait pas le langage pour me l’avouer, mais j’étais certain de son consentement.
La gracilité de sa flèche, l’incroyable profusion de ses sculptures, le mordoré clair de son flanc sud et l’or patiné de son abside m’envoyaient des signaux de bonté complice.
À celle ou à celui qui ne connaît pas encore cette collégiale, merveille du gothique flamboyant, je ne puis que conseiller de faire toutes affaires cessantes le voyage de Thann. Et puis une fois accomplie cette nécessaire découverte, d’ouvrir la présente page de mon site, celle consacrée à mes « amis artistes », plus particulièrement à l’endroit même où votre regard vient de se poser. Il faut prendre le temps d’errer parmi les entrailles de la nef, d’en savourer le subtil ordonnancement, d’en apprécier l’insolite compagnonnage avec le collatéral sud, celui qui plus tard allait constituer la merveilleuse toile de fond de la bibliothèque municipale. Car le premier magistrat de Thann, de l’espèce « catho-centriste », imprudent malgré ce qu’il avait appris de mes idées pour un monde meilleur, s’était fourvoyé en m’instituant « responsable » de ce lieu culturel, ce dont il allait se mordre les doigts assez vite…
La manière poétique choisie par l’artiste Zanuttini de rapprocher deux blocs et de les animer d’un paradoxal mouvement d’attraction-répulsion me semble traduire avec bienveillance l’éternel conflit entre l’amour fusionnel et son antagonisme qui réclame distance et liberté : aucune solution idéale à cette contradiction, puisque dans les deux cas la mélancolie s’en mêlera et renverra vers « l’inconvénient d’être né ».
Pierre Zanuttini vient de revenir vers la fin de l’an de grâce 2024 dans mon paysage mental, après un demi-siècle de disparition, et je l’en remercie en toute amitié.
Bourrée d'Avignon, ensemble instrumental Le Banquet du Roy "Château de Blois"